Science de haute voltige
Ce qu’il observe aujourd’hui sur le territoire canadien pourrait influencer l’habitat des canards.

Il est 5 h 30 du matin quand Howard Singer monte à bord du Bell 206 Jet Ranger qui l’attend sur une plate-forme d’atterrissage éloignée. Habillé d’une éblouissante combinaison de vol ignifuge, il s’installe à côté du pilote.

Howard Singer est biologiste chercheur auprès de CIC. Depuis les deux derniers étés, il passe des semaines à mener des inventaires aériens dans le nord de l’Alberta.
Pendant qu’il prépare la matinée qui l’attend, un deuxième spécialiste des inventaires aériens le rejoint et prend place derrière lui.

Ils prennent quelques minutes pour synchroniser les chronomètres qu’ils portent au cou et ouvrent les portables qu’ils tiennent en équilibre sur leurs genoux. Sur leurs écrans s’affiche une carte du paysage actuel. Dans le creux d’une main, ils tiennent des enregistreurs audio.
Une fois les préparatifs terminés, l’hélicoptère s’envole. Destination : la forêt boréale de l’Alberta.

Avec ses vastes milieux humides et ses forêts en apparence infinies, la forêt boréale du Canada a conquis le cœur et l’imagination des Canadiens d’un océan à l’autre. Mais Howard Singer n’est pas ici pour contempler le paysage qui se déroule à ses pieds. Il doit plutôt recenser la sauvagine.
C’est un travail exténuant, mais gratifiant.

Souvent appelée la pouponnière des oiseaux, la forêt boréale offre un habitat essentiel à environ 30 % des canards nicheurs d’Amérique du Nord. Mais ces 15 millions de canards ne sont pas seuls, puisqu’ils partagent la forêt avec des industries comme l’exploitation forestière, l’extraction minière et l’industrie pétrogazière.
La cohabitation des canards et de ces industries est ce qui intéresse surtout Stuart Slattery, chercheur scientifique de CIC, qui a lancé une étude sur la question en 2012.
Dans la forêt boréale, son équipe et lui ont répertorié plus de 400 parcelles de recherche, qui se situent à différents degrés d’évolution industrielle, comme en témoignent les routes, les tracés séismiques, les oléoducs et les gazoducs.
En survolant ces parcelles à certaines périodes de l’année et en recensant le nombre, les espèces et l’âge de la sauvagine qu’il aperçoit, Howard Singer et l’observateur qui l’accompagne réunissent d’importantes données.

Une fois analysée, cette information permettra à CIC de connaître, le cas échéant, l’impact de cette évolution industrielle sur les populations de sauvagine. Et si les chercheurs apprennent que l’évolution du paysage se répercute effectivement sur ces populations, ils devront commencer à se poser une deuxième question : quel est l’impact de cette évolution sur la sauvagine?
Pour répondre à cette deuxième question, les chercheurs se penchent sur deux théories.
L’une d’elles laisse entendre que cette évolution dénature la qualité des milieux humides, ce qui nuit à l’alimentation de la sauvagine. Or, une autre hypothèse se fait jour : se pourrait-il que les prédateurs qui sillonnent le territoire aient accès aux nids des canards grâce aux chemins industriels, par exemple les tracés séismiques et les routes?

« Pour réussir à accomplir sa mission dans la forêt boréale, CIC doit surtout adapter ses efforts de conservation à ces grandes transformations industrielles et à leur impact sur les canards », affirme Stuard Slattery.

Dans l’hélicoptère, les scientifiques de CIC survolent un milieu humide. Un Bell 206 Jet Ranger peut voler pendant presque trois heures avant d’avoir à se ravitailler. Normalement, dans la même matinée, le pilote atterrit à deux ou trois reprises pour faire le plein.
À chaque point de ravitaillement, Howard Singer et le deuxième responsable des relevés inversent les rôles. C’est maintenant lui qui prend place sur la banquette arrière et qui écoute son collègue décliner ses observations dans un enregistreur audio, en tâchant de noter tout ce que son collègue n’aurait pas pu apercevoir.
Howard Singer explique ce qu’il vit, 30 mètres au-dessus du sol, en recensant la sauvagine.
« Dans l’hélicoptère, tout se passe rapidement. On n’a pas eu le temps de traiter l’information, et il faut savoir ce qu’on fait », dit-il en faisant allusion à la partie du travail d’inventaires aériens qui nécessite énormément de compétences et de connaissances.

Ce qu’il observe aujourd’hui sur le territoire canadien pourrait influencer l’habitat des canards.