Tendre vers le naturel
Moncton est sur la bonne voie en adoptant des directives impliquant l’infrastructure naturelle

Il y a trois ans, des employés de la Ville de Moncton ont visité Winnipeg, au Manitoba, pour apprendre à intégrer, dans les collectivités, les bassins naturalisés de retenue des eaux pluviales, qui s’apparentent à des milieux humides. Son objectif : savoir si Moncton peut, au lieu d’aménager des bassins de rétention traditionnels, se doter de bassins de rétention naturalisés dans les collectivités.
Moncton est alors aux prises avec des précipitations plus intenses, fréquentes et abondantes. Il lui faut un plan.
« Nous avions énormément de problèmes de qualité de l’eau dans la ville, à proximité de nos zones de stockage, explique Elaine Aucoin, directrice de la Planification et de la gestion de l’environnement de Moncton, en évoquant la hausse des cas d’E. coli et d’algues bleu-vert.
En 2002, la Ville a réagi aux problèmes de qualité de l’eau en aménageant des milieux humides dans le parc du Centenaire, au cœur du centre-ville. À la différence des bassins traditionnels, les milieux humides permettent de stocker et de filtrer d’importantes quantités d’eau. Ils captent aussi le carbone, enrichissent la biodiversité et deviennent souvent des points de mire naturels dans une collectivité.
Le succès du milieu humide du parc du Centenaire a été un tournant. Les employés ont su qu’ils pouvaient réaliser d’autres projets du genre.
« Nous connaissions les bienfaits du milieu humide du parc du Centenaire. Encore fallait-il savoir comment ils se matérialiseraient en intégrant les milieux humides dans les quartiers », explique Mme Aucoin.
C’est cette recherche qui l’a conduite à Winnipeg, avec MM. Sébastien Arcand, urbaniste de la Ville, et Alcide Richard, directeur de la conception et de la construction.
La capitale manitobaine est le siège de Native Plant Solutions (NPS), cabinet d’expertise conseil de Canards Illimités Canada (CIC), à qui l’on doit la conception et l’aménagement des premiers bassins naturalisés d’eaux pluviales. Ces bassins, qui ressemblent à des milieux humides et fonctionnent de la même manière, font appel à des processus biologiques naturels pour filtrer et emmagasiner l’eau.
Depuis 2002, NPS démontre, après avoir naturalisé plus de 85 bassins de retenue d’eaux pluviales à Winnipeg, que ces bassins, qui s’apparentent à des milieux humides, peuvent s’intégrer dans les collectivités.
« Ce voyage à Winnipeg m’a convaincu, affirme M. Richard, qui précise que cette mission de trois jours, encadrée par des employés de NPS, a répondu à toutes ses préoccupations. Le concepteur qui nous accompagnait a été séduit. » C’était bon signe, puisque pour réussir, il faut compter sur les contribuables et l’industrie, explique-t-il.
Selon Elaine Aucoin, il n’en fallait pas plus pour la convaincre que la gestion des eaux pluviales permet d’améliorer la qualité de la vie dans une collectivité. « Les milieux humides ont plus fière allure et sont rassembleurs pour la collectivité, contrairement aux étangs asséchés souvent grillagés, qui prennent beaucoup trop de place », dit-elle.
La délégation de Moncton a donc présenté ses constatations et recommandations au Conseil municipal. Le projet a reçu le feu vert. En 2015, les délégués ont, en collaboration avec des employés de CIC dans la région de l’Atlantique, de NPS et de WSP Conseillers en ingénierie, rédigé le texte de directives sur la gestion naturalisée des eaux pluviales.
Selon l’urbaniste de Moncton, ce document avant-gardiste transformera tous les projets d’aménagement de la Ville.
« Nous sommes en train de faire un pas de géant, affirme M. Arcand. Nous devons commencer à aménager le territoire pour les milléniaux », lance-t-il, en faisant observer que les infrastructures vertes ont beaucoup d’importance aux yeux de cette génération.
La Ville, qui mène actuellement la « phase pilote du projet », aménage aujourd’hui deux milieux humides pour stocker et filtrer les eaux de pluie. « Il nous faut prouver que cette solution peut fonctionner à Moncton. Nous devons rassurer tout le monde, explique M. Richard. Je crois qu’il faudra finalement en aménager partout. »
Depuis qu’elle a terminé la rédaction des directives, la Ville de Moncton a mérité un prix environnemental de l’Association canadienne des administrateurs municipaux, en plus d’amorcer une conversation sur la conservation.
« Dans la région de l’Atlantique, la Ville de Moncton est un modèle à suivre, clame Wade Lewis, chef de la remise en état et du service à la clientèle de CIC à Charlottetown, dans l’Île-du-Prince-Édouard, qui a collaboré à la rédaction des directives : « Déjà, d’autres municipalités intéressées par ce genre de projets nous appellent. »
« Nous sommes sur la bonne voie, conclut M. Richard. Nous n’avons pas peur de sortir des sentiers battus. C’est ce qui fait de Moncton ce qu’elle est. »
Plus d’info sur Moncton
Durant l’hiver 2014 2015, Moncton a reçu 450 centimètres de neige, soit près de cinq mètres! En 2015, la Ville de Moncton a aménagé, en collaboration avec CIC, un milieu humide peu profond pour filtrer les eaux de ruissellement dans la décharge à neige municipale.
En plus de fixer les paramètres de l’aménagement des bassins de retenue, les nouvelles directives de la Ville sur la gestion naturalisée des eaux de pluie permettront, pour Moncton comme pour les promoteurs immobiliers, d’encadrer d’autres aménagements naturalisées, par exemple les jardins pluviaux, dont les végétaux sont à même de résister à l’humidité extrême et aux nutriments.